Voyage en Italie
En voyage à Naples, entre musées et visites archéologiques, un couple se délite progressivement, avant de se retrouver.
Dans les rues de Naples, la renaissance d'un amour à son crépuscule, écrite au jour le jour par Rossellini. Drame intime sur l'incommunicabilité et la force de l'attachement, Voyage en Italie raconte le flot d'une vie conjugale. Une œuvre quasiment autobiographique, citée par Rivette et Truffaut comme l'exemple du « film moderne ».
Ce film phare, préfigurant l'insatisfaction chic d'Antonioni mais aussi la Nouvelle Vague, fut boudé à sa sortie, malgré la défense ardente d'une frange de la critique. Refus de la psychologie, raréfaction des événements, mise à nu des stars, tout cela sert une vision nouvelle du couple, appréhendé dans l'intimité, sans romantisme.
Itinéraire sec, mais souterrainement poignant, d'un couple de bourgeois anglais sur le point de se séparer, le film séduit par sa manière de distiller des dissonances extérieures et des intermittences du coeur. D'un côté un homme épris d'argent et de travail, de l'autre une femme rêveuse et frustrée. D'un côté aussi, le Nord, pôle financier et actif, tourné vers l'avenir ; de l'autre, le Sud, terre d'attente et de ruine. Tout près du divorce, le couple se réconcilie in extremis au cours d'une séquence magistrale, devenue fameuse. Comment le miracle s'est-il accompli ? La réponse se cache dans le film et au-delà, dans ses replis imperceptibles, ses détails anodins, ses temps morts ou pleins, ses paysages traversés. L'hymne au couple (seul aboutissement harmonieux du sentiment) est ici indissociable d'une vision cosmogonique du monde. Mais ce voyage en terre brûlée ne serait rien sans l'amour réciproque et fragile, sensible à l'image, du cinéaste et de son actrice, épouse dans la vie, qui tourna cinq films avec lui.
Jacques Morice, Télérama