Marie Heurtin
En 1897, un artisan modeste interne sa propre fille Marie Heurtin chez les Filles de la Sagesse parce qu'elle est sourde et aveugle de naissance et qu'elle est incapable de communiquer. Intriguée, la sœur Sainte-Marguerite s'occupe d'elle.
Au xixe siècle, à l'institut de Larnay, à Poitiers, une jeune religieuse apprend à communiquer à une adolescente sourde, muette et aveugle. Jean-Pierre Améris raconte l'histoire vraie de soeur Marguerite (Isabelle Carré) qui, refusant de considérer comme désespéré le cas de Marie Heurtin, mit au point une méthode (toujours utilisée) basée sur le toucher... Un « petit animal sauvage » sauvé par une bonne soeur : le sujet pouvait laisser craindre un film empesé de bons sentiments. Mais, en dehors du plan final — un long regard appuyé de Marie vers le ciel —, le cinéaste privilégie le physique au spirituel : il filme le combat acharné de deux êtres qui luttent pour parvenir à communiquer (c'était déjà le cas dans sa comédie Les Emotifs anonymes)... Quand la mort surgit, en revanche, le combat devient solitaire et soeur Marguerite s'enferme à son tour dans le silence...
Respectueux et tendre, cet éloge de la patience touche par ses partis pris esthétiques: les cadrages sur les doigts de Marie (ses seuls « outils » de langage) et sur sa nuque quand elle accepte, enfin, qu'on lui brosse les cheveux. Les couleurs, entre gris pensionnat et bleu cornettes, évoquent les toiles de Degas, ses femmes à la toilette... Pour Améris, la beauté, sinon Dieu, est dans le détail.
Guillemette Odicino, Télérama