Harmonium
Dans une discrète banlieue japonaise, Toshio et sa femme Akié mènent une vie en apparence paisible avec leur fille. Un matin, un ancien ami de Toshio se présente à son atelier, après une décennie en prison. A la surprise d'Akié, Toshio lui offre emploi et logis. Peu à peu, ce dernier s’immisce dans la vie familiale, apprend l'harmonium à la fillette, et se rapproche doucement d'Akié.
> Prix du jury UN CERTAIN REGARD au Festival de Cannes 2016
Harmonium impressionne par la maîtrise de sa mise en scène, la subtilité de sa direction d’acteurs, son art des rimes intérieures (la récurrence de la couleur rouge à des moments fatidiques), la beauté tranquille de son image, de ses plans fixes qui contrastent avec le tableau terrible que dresse Fukada de l’humanité.
Derrière la retenue et la politesse, il y a l’hypocrisie, l’impossibilité évidente d’une société à refouler indéfiniment les pulsions de mort qui habitent les êtres, les forces destructrices qui les dépassent et les ramènent toujours à la barbarie.
Et puis il y a cette obsession du film à revenir toujours à cette image évoquée par la petite Hotaru dans l’une des premières scènes du film : celle d’une espèce d’araignée typiquement japonaise où la mère se laisse tuer par ses enfants. Akié affirme que la mère va au paradis. Hotaru, en tout logique, dit que non. Car la mère elle aussi a tué sa mère.
Il n’y a que l’enfer pour les araignées, il n’y aura que l’enfer pour Akié, dévorée par l’amour de sa fille handicapée qui monopolise toute sa vie. Les hommes, ces criminels en puissance, ne pourront rien empêcher, ils sont maudits. Une vision radicale et désespérée du monde que Fukada assume sans hésitation jusqu’à la fin de son récit, avec une cohérence qui glace les sangs.
Jean-Baptiste Morain