Comme un chien enragé
Brad Jr. vient de quitter l'école et s'ennuie dans sa petite ville de Pennsylvanie. Il revoit son père, Brad Sr., qui a depuis longtemps quitté sa famille pour vivre en bande avec ses copains avec lesquels il a monté un gang de vols de véhicules. Brad Jr., de plus en plus admiratif, finit avec un groupe de copains par faire la même chose. Encouragé par les aînés, le jeune gang vole des tracteurs. Le drame éclate lorsque la police s'en mêle. Ce film est tiré d'un fait divers où un gang, en 1978, recruta des adolescents et les assassina froidement comme des témoins dangereux.
Il flotte sur Comme un chien enragé (1986) un air de A l’est d’Eden, film d’Elia Kazan qui évoquait le fossé entre un adolescent et son père. Est-ce vraiment étonnant lorsque l’on sait que l’auteur du script n’est autre que Nicholas Kazan, fils de… ? A partir d’un fait divers particulièrement odieux survenu en 1978 dans l’Etat de Pennsylvanie, l’auteur a signé un drame poignant qui cherche à saisir l’universalité des personnages au lieu de plonger à corps perdu dans le sordide de la situation initiale. Certes, le long-métrage s’appuie sur les faits, mais il prend une grande liberté par rapport au réel dont il s’affranchit avec brio. Ainsi, cette histoire n’est pas simplement celle d’un gang de voleurs de voitures des années 70, mais bien celle de tous les adolescents qui doivent à un moment de leur vie tuer le père afin de trouver leur propre place dans la vie. C’est d’ailleurs cette dimension universelle que s’est appliqué à souligner le réalisateur James Foley (...).
Le coup de génie de James Foley vient également de sa science imparable du casting. Si Christopher Walken incarne à merveille le Mal fait homme, un monstre glacial qui file la chair de poule après nous avoir séduit au premier abord, ce sont les jeunes acteurs qui emportent la mise. On peut notamment admirer l’incroyable talent de Sean Penn, absolument bouleversant dans la dernière demi-heure du film, tandis que ses jeunes compagnons étaient appelés à faire des carrières méritées (Kiefer Sutherland, Crispin Glover, Mary Stuart Masterson et Chris Penn sont autant de révélations qui donnent avec bonheur la réplique au jeune Sean).
Finalement, cette œuvre typique d’un certain cinéma indépendant américain peut aisément passer pour le précurseur des tragédies de James Gray, ou encore comme un lointain ancêtre du Drive de Refn. Toutefois, malgré des critiques très positives, le film fut un échec commercial, aussi bien dans son pays d’origine (2M$ de recettes pour une mise de départ de 6,5M$) qu’à l’extérieur. En France, le film n’a laissé que peu de traces au box-office local. Cela ne l’a pas empêché de gagner peu à peu ses galons de petit film culte, largement mérité au vu de ses énormes qualités. Un coup de maître pour un cinéaste qui n’a jamais retrouvé de tels sommets par la suite.
Virgile Dumez, Avoir-Alire