Henry, portrait d'un serial killer
Henry, portrait d'un serial killer est un film basé sur la vie et les 'exploits' macabres de l'un des tueurs en série les plus monstrueux de toute l'histoire des Etats Unis : Henry Lee Lucas. Comme tous les serial killers, Harry possède un double visage, celui d'un homme ordinaire sans histoire, et un autre qui l'entraine dans une folie meutrière sans précédent en compagnie de son ami et 'collègue' Otis Toole.
Sorti aux Etats-Unis en 1990, soit après quatre ans de lutte acharnée contre la censure au motif d’“outrage à la morale”, Henry – Portrait d’un serial-killer est un film doublement crépusculaire.
C’est d’abord l’un des derniers actes de la grande période du cinéma d’horreur américain, qui allait peu à peu entrer dans sa phase postmoderne – celle des Scream et consorts –, abîmer son propre imaginaire et perdre toute croyance en ses forces ténébreuses. C’est ensuite le sommet jamais reconquis de la carrière de son auteur, John McNaughton, qui, à l’exception de l’excellent Mad Dog and Glory (1993, avec Robert De Niro, Bill Murray et Uma Thurman), ne retrouvera plus l’éclat furieux de ce premier essai.
Tourné pour une poignée de dollars dans la banlieue pauvre de Chicago, le film s’inspire lointainement du serial-killer Henry Lee Lucas dont il dresse un portrait en pointillés, de ses meurtres impulsifs à ses instants de vie ordinaires partagés avec un ex-compagnon de cellule et sa sœur, tous aussi déglingués.
Les premiers plans, scandés par un mixage dissonant de cris et de musique synthétique, installent le film dans le sillon du Maniac de William Lustig (1980) ou de L’Eventreur de New York de Lucio Fulci (1982), déployant la même poésie macabre et la même atmosphère nocturne, crade et hypersexuée.
John McNaughton s’émancipe néanmoins de toutes ces références en adoptant une méthode presque documentaire, déliée des gimmicks spectaculaires propres au genre : sans aucune nécessité narrative, il suit le rythme d’une chronique réaliste et décompose la figure du tueur mythologique, dont il tente de percer les mystères. Mais très vite le film se heurte à son point aveugle, ce qui le rend à la fois si terrifiant et vertigineux : Henry est indéchiffrable.
Fuyant, il n’apparaît presque jamais sur les lieux de ses crimes (superbe motif de mise en scène, où la plupart des meurtres sont filmés en différé) tandis qu’il se perd en circonlocutions lorsqu’on l’interroge sur l’origine de ses tourments.
C’est que le souci de John McNaughton n’est pas d’ordre psychologique : il expose un mystère, une puissance insondable, un corps sans logique lancé la nuit dans les rues pour assouvir ses désirs macabres. Son portrait n’a pas d’objet, en somme, aucune résolution possible. Il saisit quelque chose de la folie criminelle au travail.
Romain Blondeau, Les InRockuptibles