La Fille du désert
En 1870, dans une Amérique en voie de pacification, le hors-la-loi Wes McQueen parvient à s'évader de prison. Il rejoint difficilement ses complices avec qui il projette de braquer un train et fait la rencontre de la belle et mystérieuse Colorado Carson. Mais avec ses deux acolytes, McQueen ne se sent pas à l'abri d'une trahison
Remake et transposition en western de High Sierra (1941). Deuxième volet de ce qu’on peut considérer comme une trilogie de westerns tragiques (Pursued, Colorado Territory, Along the Great divide) basés sur le thème de la résurgence du passé (...). De ces trois oeuvres, Colorado territory est assurément la plus pessimiste. Le personnage central, assez réservé et lointain, vit comme une tragédie l‘impossibilité de changer de destin et d’identité. Walsh dédaigne dans son récit tout attendrissement, tout pathos humaniste, de même que tout exposé de circonstances atténuantes. il décrit la trajectoire de son personnage dans un style sec et tranchant, qui se révèle en même temps - c’est là le génie particulier de ce film riche d’une infinité d’harmoniques insolites et poétiques. Elles tiennent pour une part à la densité humaine du couple formé par Wes et Colorado. A travers eux Walsh exprime, avec un sens de la litote qu’il lui plaît parfois de cultiver, ses préférences les plus profondes. Il s’est toujorus senti en affinité avec les êtres en marge, avec les idividualistes à l’étroit dans une classe sociale, une profession, un style de vie, voire même une race ou un destin moins riches que ne le sont leur personnalité et leur goût de l’aventure. Le héros walshien, homme ou femme, vit par excellence dans l’illimité, et parfois il en meurt. Ces harmoniques naissent aussi du choix des lieux (le Canyon de la Mort, la Cité de la Lune) où s’inscrit l’action: leur puissance cosmique, leur magie inquiétante et fantomatique en appellent constamment à un ailleurs, à un autre monde peuplé d’apparitions et de réminiscences. Les tragédies de Walsh sont en effet trop vastes pour se situer uniquement sur terre. Considéré d’un autre point de vue, à l’écart de ce que le film nous révèle de la personnalité de son auteur, Colorado Territory est aussi l’archétype d’un genre: un western parfait. Il comprend quelques-unes des figures obligées du genre - l’attaque de la diligence, le hold-up du train - filmées avec une rigueur visuelle, une économie dde moyens, une perfection dans l’architecture et le mouvement des lans qui suffiraient à elles à combler le plus exigeant (ou le plus blasé) des spectateurs.
Jacques Lourcelles
Tout l’oeuvre de Walsh est une leçon de modestie devant son métier. Et une gifle pour nous qui, parce que nous els avons gaspillés ailleurs trop souvent, ne possédons plus les mots les plus simples et pourtant les seuls dignes de saluer cette leçon de cinéma qu’est La Fille du Désert.
Christian Ledieu, Le Nouvel Observateur, 17/12/1964