Une vie difficile
Un jeune Italien, ancien partisan durant la guerre, s'efforce de résister à la transformation de son pays pendant les années 1950.
De la fin de la guerre au boom économique, Une vie difficile raconte les désillusions d'un citoyen intègre, idéaliste de gauche, forcé de rompre avec ses valeurs morales. Grave ou facétieux, Alberto Sordi interprète le personnage de Magnozzi, prenant avec bonheur le contrepied de ses rôles habituels. L'un des meilleurs films du grand Dino Risi.
De la guerre aux années 60, Silvio Magnozzi traverse vingt ans d'histoire italienne en homme de gauche convaincu qui se veut incorruptible malgré les pressions économiques, familiales et politiques. Résistant contre l'occupant allemand, journaliste engagé ensuite, Silvio tente de vivre en accord avec ses principes quitte à, d'échecs en échecs, crever de faim. Silvio, c'est Alberto Sordi, immense acteur méconnu en France. Lancé par Fellini dans Le Cheikh blanc, il incarnera durant toute sa carrière l'Italien type, antihéros romain à la fois lâche et courageux, drôle et tragique. Regardez-le, ivrogne de mauvaise foi, dire ses quatre vérités à sa femme accablée, puis devenir la seconde d'après un misérable soûlard qui voit, incrédule, sa dulcinée partir pour de bon. Don Quichotte dérisoire se battant contre les moulins à vent de la société néocapitaliste italienne, Silvio rêve d'une carrière militante et passe pour un bouffon aux yeux de tous. Dino Risi dresse un tableau accablant de l'Italie qui court vers un miracle économique trop grand pour elle. Et souvent le rire se fige comme dans toutes les meilleures comédies italiennes qui ne craignent pas d'aborder des sujets sociaux graves. Ici, les scènes d'anthologie se succèdent, comme celle du repas chez les monarchistes durant lequel Silvio et Elena, qui n'ont pas fait un vrai repas depuis longtemps, se goinfrent en attendant les résultats du référendum qui installera la république. Ou encore celle où Silvio, enfin résigné, se fait humilier par un riche industriel devant les yeux de sa femme, qui comprend soudain le combat de son mari.
Anne Dessuant, Télérama