La Collectionneuse
Adrien et Daniel, deux dandys, passent l'été dans une grande villa des environs de Saint-Tropez que leur a prêtée un de leurs amis. Ils ont prévu de ne rien faire d'autre que lire et passer le temps. Haydée, une séduisante jeune fille, doit bientôt les rejoindre. Sa réputation de croqueuse d'hommes l'ayant devancée, Adrien et Daniel la méprisent d'avance et décident de s'amuser à la séduire. Rapidement, ils sont obsédés par Haydée, et en viennent à mettre en danger leur amitié.
"La Collectionneuse, décrit avec humour et précision certaines règles du jeu sentimental tel qu'il est pratiqué, de nos jours, par des garçons et des filles conditionnés au plus haut point par quelques mots-clés, chers à notre époque : disponibilité, lucidité, érotisme, etc. Règles extrêmement sévères, en dépit des apparences et de ce que l'on peut lire dans les magazines. Les héros de la Collectionneuse ont des principes, exactement comme en avaient les héros de l'Astrée ou les libertins du dix-huitième siècle. À ces principes ils entendent demeurer fidèles, ce qui complique leur vie et leur permet d'échapper au mal qui les guette (et qui déjà guettait les contemporains de d'Urfé et de Laclos) : l'ennui. C'est pour se distraire qu'ils se fabriquent un masque, qu'ils composent leur attitude, qu'ils jouent cette infantile comédie du cynisme, de l'indifférence, de la provocation, qu'ils nient sinon l'amour du moins ce qui en eux pourrait les mener à l'amour. Malgré leur arrogance, et pour employer leur langage, ce sont des " paumés ". Sans doute d'ailleurs en sont-ils conscients. Ce qui explique les grands discours qu'ils nous adressent, et par lesquels ils essaient de se justifier.
Si nous ne sommes pas dupes, Éric Rohmer ne semble pas l'être davantage, et c'est ce qui fait le mérite de son film. Le regard qu'il pose sur ses personnages est celui, froid et distant, de l'entomologiste. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu'il se désintéresse d'eux. Tout au contraire, on a l'impression qu'il les excite, qu'il les provoque, qu'il réclame de leur part une collaboration constante, comme s'il se contentait de mettre en scène une aventure en train de se créer. À égale distance des faux-semblants du cinéma-vérité et des " trucs " de ce que Rohmer appelle le " cinéma sentimental ", La Collectionneuse se situe dans une veine particulièrement séduisante du cinéma moderne."
-Jean de Baroncelli, Le Monde