Bring Me the Head of Alfredo Garcia
Dans une hacienda mexicaine règne El Jefe, un riche et puissant propriétaire foncier. Sa fille étant tombée enceinte, il la torture pour qu'elle lui révèle le nom du séducteur : Alfredo Garcia. El Jefe offre alors une récompense d'un million de pesos à qui lui rapportera la tête de l'homme en question.
Aussitôt accourent des aventuriers venus des quatre coins du pays. Benny, un minable pianiste de bar américain également alléché par la prime, apprend la nouvelle par deux tueurs, Quill et Sappensly. Or, Alfredo Garcia a été l'amant de son actuelle compagne, Elita. Celle-ci lui avoue que Garcia est récemment mort dans un accident de voiture. Benny l'oblige alors à le conduire sur sa tombe.
C'est sans doute le film le plus personnel de Peckinpah. Et le plus étrange. Au bord d'un lac, une jeune fille enceinte est alanguie. On vient la chercher pour comparaître devant son père, le cruel El Jefe. Ayant obtenu, par la force, le nom de celui qui l'a séduite, le propriétaire mexicain réclame la tête de ce dernier. Au sens propre.
Ce pater autoritaire, cette assemblée qui rappelle l'Inquisition, et puis, soudain, des voitures et un avion qui se mêlent aux chevaux : Peckinpah brouille les repères temporels dès le début. Son film sera ainsi sans cesse partagé entre archaïsme et modernité. Dans le chaos poussiéreux de Mexico, Bennie végète dans un piano-bar. Ce gringo ne veut pas louper sa chance de décrocher la récompense promise. Il entraîne sa fiancée dans la quête de la tête...
D'un romantisme baba au début (décapotable et guitare), la balade de Bennie tourne vite au cauchemar. Enterré vivant avec sa dulcinée (incroyable scène), puis colporteur solitaire de tête en décomposition, ce héros pitoyable roule vers la tuerie finale, la démystification du conte voulue par Peckinpah. Plus son costume blanc se macule de boue et de sang, plus sa « mission » l'écoeure, plus il houspille la tête d'Alfredo, assaillie de mouches sur le siège passager... Avec ce film baroque et nihiliste, Peckinpah ne se contentait pas d'envoyer la violence et ses pères six pieds sous terre : il engueulait ouvertement la mort.
Guillemette Odicino, Télérama