Straw Dogs
David, jeune mathématicien, fuit l'Amérique et son atmosphère orageuse. Il émigre en Cornouailles où il est confronté dès son arrivée à l'agressivité des autochtones. Atteint dans ses convictions, il aura lui aussi recours a une violence qu'il combat.
Il est légitime de penser que Sam Peckinpah est à peu près au sommet de son art quand il réalise Les Chiens de paille. Le première heure du film est un modèle de tension, comme si chaque image portait en elle un sous-texte de sauvagerie. Chaque apparition de Dustin Hoffman, au village – magnifique scène de violence inaugurale, au pub – comme chez lui – face à un tableau noir qui n'évolue guère, sans doute parce que le monde n'est pas soluble en équation – montre un être qui n'est pas à sa place. Et ce « déplacement », les villageois vont le lui faire payer de façon spectaculaire. Le siège final et sa résolution sanglante sont irrésistibles (malgré quelques affèteries de montage qui ont un peu vieilli), a fortiori pour l'amateur de « gore », ici en train de naître : les fusils de chasse projettent les corps en l'air, ouvrant en eux des béances « cronenbergiennes ». Le moment où le formidable second rôle Peter Vaguhan s'arrache le pied est ultra percutant.
Entre-temps, il y a la scène qui fait débat : les villageois ont éloigné l'intrus américain, sa femme est seule dans la bâtisse ouverte aux quatre vents, ceux qui l'ont tant désirée de loin s'invitent de force dans son salon. Beaucoup ont jugé le viol ambigu, comme si le personnage joué par Susan George se laissait faire, voire y prenait du plaisir. Il faut croire que le passage en dit plus sur qui le regarde que sur ceux qui s'y montrent : la scène est résolument insoutenable, la contrainte physique et morale absolument répugnante. Quarante ans plus tard, le film provoque encore le malaise et c'est justement ce qui l'empêche d'être simplement voyeuriste…
Aurélien Ferenczi, Télérama