Contes Italiens
Florence, XIVème siècle : la peste fait rage. Dix jeunes gens fuient la ville pour se réfugier dans une villa à la campagne et parler du sentiment le plus élevé qui existe, l'amour, dans toutes ses nuances.
On n'espérait plus grand-chose des frères Taviani, tant leur créativité s'était dissoute dans une succession d'« europuddings » indigestes. Et puis, début 2013, les réalisateurs désormais octogénaires retrouvaient la radicalité esthétique (et politique) de leur jeunesse avec César doit mourir, un film âpre en noir et blanc, entièrement tourné dans une prison de Rome. Leur nouveau long métrage, inspiré du Décaméron de Boccace, est plus aguicheur et plus sage. Parmi les cent contes médiévaux du roman fondateur de la littérature italienne, ils en ont choisi cinq. Parfois comiques, le plus souvent sombres : la farce bouffonne n'est pas le point fort des Taviani, plus à l'aise dans la chronique des amours tragiques. Comparé à l'énergie et à la gouaille dont fit preuve Pier Paolo Pasolini dans sa version du Décaméron, en 1971, le film semble bien propret, tant dans sa représentation de la sexualité (très chaste) que par le casting. Alors que l'auteur de Porcherie avait recruté, dans les faubourgs populaires de Naples, des non-professionnels aux gueules incroyables, les jeunes comédien(ne)s des Contes... sont tous plus séduisant(e)s les un(e)s que les autres : Kim Rossi Stuart, qui a pourtant tout fait pour s'enlaidir, ne parvient pas à être moche...
L'académisme menace, mais moins que dans les récentes — et calamiteuses — adaptations littéraires des deux frères (Résurrection, d'après Tolstoï, notamment). Dans les vues de la campagne toscane comme dans les scènes de groupe composées comme des tableaux, les cinéastes retrouvent, par intermittence, la puissance plastique de leur chef-d'oeuvre, Kaos. Et, au-delà de ses images parfois trop lisses, le film recèle une vraie noirceur : les évocations de la peste qui ravagea Florence en 1348 résonnent comme un écho à une autre maladie qui, sept siècles plus tard, empêche à son tour la jeunesse de vivre et d'aimer en toute liberté. —
Samuel Douhaire, Télérama