2 Mai 2025

Mais ne nous délivrez pas du mal

de Joël Séria (1971) - Cinéclub NOCTURAMA vendredi 2 mai à 21H00 !

MAIS NE NOUS DELIVREZ PAS DU MAL de Joël Séria (1971) - Cinéclub NOCTURAMA vendredi 2 mai à 21H00 !

Anne et Laure sont pensionnaires dans une institution religieuse. L’imagination alimentée par la lecture de Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, auteurs prohibés dans l’enceinte du collège, elles décident de faire le Mal, comme d’autres, veulent faire le Bien. De retour dans leurs familles, les deux meilleures amies comptent bien mettre à profit leurs vacances pour assouvir leur nouveau penchant, s’aventurant dans des jeux de plus en plus pervers et dangereux…Entre autres transgressions, elles provoquent des hommes, avec des conséquences progressivement dramatiques.

"Drôle de destin pour ce film iconoclaste, qui fut à la fois censuré et sélectionné au Festival de Cannes. Il faut dire que rarement adolescentes auront été dépeintes sous un jour aussi noir. Et si la critique de l’Église est sans doute mieux acceptée aujourd’hui, l’œuvre n’en continue pas moins de dégager, par certains aspects, un fort mais enivrant parfum de scandale.

Si le nom de Joël Séria demeure immanquablement associé à son plus célèbre film, Les Galettes de Pont-Aven (en 1975, avec l’incroyable Jean-Pierre Marielle), Mais ne nous délivrez pas du mal, son premier long métrage, vaut lui aussi le détour. Le réalisateur s’inspire de son propre vécu, de son adolescence stricte où la religion régissait tout, de l’absence de liberté qui incitait à la rébellion. L’idée du récit lui provient également d’un fait-divers survenu en Nouvelle-Zélande dans les années 1950, où deux adolescentes assassinèrent la mère de l’une d’elles, que reprendra plus tard Peter Jackson pour Créatures Céléstes (1994)

Bien que les deux films abordent l’idée d’une amitié « extrême », ils diffèrent sensiblementChez Séria, l’histoire est moins implacable et illustre sur un ton drolatique les jeux plutôt cruels de ces adolescentes auxquelles leur famille n’accorde pas un grand intérêt. Les filles s’attaquent aux plus fragiles, socialement et intellectuellement : au paysan solitaire, à l’idiot du village qui garde les lettres de sa maman serrées avec un pauvre ruban.

La jeune Anne est une châtelaine sûre de sa puissance et de son immunité. Mais le film n’est pas un simple catalogue de vilenies. Il présente un certain raffinement dans sa crudité. Leur sadisme est-il réelle? Les rires des filles disent-ils la méchanceté ou l’inconscience? Le contraste entre l’été solaire et les noirs desseins des héroïnes pourraient rendre le film sinistre. Cependant, le soleil et les promenades à bicyclette insufflent une certaine légèreté aux actions des personnages. On a l’impression que tout cela n’est au fond qu’un jeu, celui de deux enfants qui se croient déjà femmes, mais qui, en réalité, sont encore en train de grandir.

L’entêtante musique, portée par des voix féminines enfantines, accentuent cette impression de légèreté, même si elle porte également quelque chose d’inquiétant qui évoque la ritournelle de Rosemary’s baby, signe que le démon n’est sans doute pas loin. Et pourtant, ce monde porte en lui une corruption profonde, sans doute plus que dans le cœur de ces enfants qui détruisent sans remords, mais lorsqu’elles font face à la réalité de la mort, la véritable mort — celle qu’on cause en serrant trop fort un oiseau dans sa main — elles reculent, soudain confrontés à l’ampleur de leur geste.

Œuvre maudite d’un romantisme noir, à l’esthétique délicieusement malsaine, Mais ne nous délivrez pas du mal est, en somme, un très grand film injustement méconnu."
-Solaris Distribution

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