Fermer les yeux
Julio Arenas, un acteur célèbre, disparaît pendant le tournage d’un film. Son corps n’est jamais retrouvé, et la police conclut à un accident. Vingt-deux ans plus tard, une émission de télévision consacre une soirée à cette affaire mystérieuse, et sollicite le témoignage du meilleur ami de Julio et réalisateur du film, Miguel Garay. En se rendant à Madrid, Miguel va replonger dans son passé…
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Quel est le film que je veux faire et pourquoi ? Essayant d‘être bref et précis, je réponds : celui qui se dégage du scénario que j’ai écrit ; et aussi celui que j’ai besoin de faire. Mais comme je crains que cela ne suffira pas, je vais essayer d’évoquer quelque peu de ce que FERMER LES YEUX peut contenir. Bien entendu, cela revient à entrer dans le terrain du conceptuel, de la déclaration d’intentions – dans ce cas, inévitablement bonnes – dont, comme il est bien connu, l’enfer est pavé.
Mon impression est que, au-delà des détails de son argument, la fiction que le film va proposer au spectateur tourne autour de deux sujets intimement liés : l’identité et la mémoire. Mémoire de deux amis, qui un jour déjà lointain furent un acteur et un réalisateur. Au fil du temps, l’un d’eux l’a tout à fait perdue, au point qu’il ne sait plus ni qui il est, ni qui il a été ; l’autre, cherchant à oublier, et malgré avoir trouvé refuge dans un petit coin perdu, constate à nouveau qu’il la porte encore en lui avec son fardeau de douleur.
Mémoire contenue aussi dans les dépôts de la télévision, un média qui représente comme aucun autre la pulsion contemporaine de transformer l’expérience humaine en archives. Mémoire enfin du Cinématographe : des copies gardées dans leurs cercueils de laiton, loin des salles qui l’ont vu naître, fantômes d’une histoire unique usurpée par l’Audiovisuel. Mémoire déjà longue, comme celle de celui qui écrit ces quelques lignes.
Le récit surgit à mi-chemin du vécu et de ce qui a été imaginé. Comme pour tous mes films, on peut penser que le sujet a un rapport avec mes préoccupations et mes intérêts vitaux les plus intimes, ceux propres à une poétique où l’expérience du cinéma acquiert un rôle de premier plan.
En ce sens, FERMER LES YEUX mettra en relation deux styles différents : celui du cinéma classique, avec son canon illusionniste, tant dans les atmosphères que les personnages; et un autre, chargé de réel, celui du cinéma moderne. Ou, en d’autres termes, deux types de récit : l’un qui raconte la vie moins comme elle était que comme elle devrait être ; et l’autre, à la dérive, contemporain, sans mémoire ni avenir certains.
Víctor Erice
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BIOGRAPHIE DE VICTOR ERICE
Le réalisateur Víctor Erice a étudié à l’École Officielle de Cinématographie (EOC) de Madrid, où il a obtenu son diplôme en réalisation en 1963. Il a commencé par travailler en tant que scénariste, puis a réalisé des films publicitaires. En 1969, il fait ses débuts en tant que réalisateur professionnel en réalisant l’un des trois épisodes de Les défis, sélectionnés au Festival du film de San Sebastian.
En 1974, son premier long-métrage L’Esprit de la ruche est présenté à la Semaine de la critique au Festival de Cannes, et reçoit la Coquille d’Or au Festival international du film de San Sebastian en 1973.
Son deuxième long métrage, Le Sud, a été présenté en Compétition officielle à Cannes en 1983.
En 1992, Víctor Erice reçoit les prix du Jury et de la Critique internationale au Festival de Cannes pour Le Songe de la lumière.
En 1996, il participe au projet collectif Celebrate Cinema 101 avec un court-métrage intitulé Questions au crépuscule. Plus tard, en 2002, Erice contribue à un autre film collaboratif intitulé Ten Minutes Older : The Trumpet avec l’épisode Alumbramiento (Lifeline).
En 2006, il réalise une installation intitulée Erice- Kiarostami: Correspondances en collaboration avec le cinéaste iranien Abbas Kiarostami, qui est présentée à Barcelone (CCCB), Madrid (Casa Encendida), Paris (Centre Pompidou) et Melbourne (ACMI). Cette installation comprenait une correspondance audiovisuelle entre les deux réalisateurs, ainsi qu’un moyen métrage intitulé La Morte Rouge.
Au cours des années suivantes, Erice participe à différents projets audiovisuels et installations vidéo, notamment sur le peintre Antonio López («Fragor del mundo, silencio de la pintura ») et sur le sculpteur Jorge Oteiza (« Piedra y Cielo »), pour le Musée des Beaux-Arts de Bilbao.
En 2012, il réalise au Portugal le moyen métrage Vidros partidos, qui fait partie du long-métrage Centro histórico, en collaboration avec Manoel de Oliveira, Pedro Costa et Aki Kaurismaki.
En 1993, Erice a reçu le Prix national de Cinématographie, et en 1995, la Médaille d’or du mérite des Beaux-Arts. Plus récemment, en 2014, le Festival de Locarno lui a décerné le Léopard d’honneur pour l’ensemble de sa carrière de cinéaste.
Son quatrième long-métrage, Fermer les yeux, est présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes 2023 (Cannes Première).