Du 1 Mai 2024 au 11 Juin 2024

N'attendez pas trop de la fin du monde

de Radu Jude

Radu Jude :

"Dans le synopsis, j’ai évoqué Alice au pays des merveilles. Il y a un peu de ça. J’aurais pu aussi parler des contes des Mille et une nuits car, même si c’est organisé différemment, mon film contient également une multitude d’histoires : des longues, des courtes, et même de simples anecdotes. Donc pour répondre à votre question, je dirais que c’est un film composé de deux histoires sur le thème de l’exploitation, avec d’autres histoires autour ; ou du moins des images et des sons qui permettent aux spectateurs d’en imaginer d’autres. La narration est importante et la structure du film le montre : deux parties, et dans la première un dialogue avec un vieux film roumain, avec différents styles, etc. Il me semble que la structure, l’architecture du récit est aussi importante que le récit lui-même.

Je peux résumer le film par une citation de Rivette – pour moi, Rivette avait autant de talent comme cinéaste que comme théoricien. Il a écrit: «Le cinéma est, fondamentalement, art descriptif et didactique: les deux se lient. Ce n’est que par un hasard de l’histoire que la forme du récit lui est devenue comme consubstantielle. Sa vocation véritable est l’essai : c’est-à-dire la mise en ordre descriptive de la réalité, la révélation des relations, liai- sons et concordances des divers phénomènes. Somme toute, un art de la concordance des temps – et des espaces. Tous les grands films tendent à n’être que pur regard, mais regard lucide et qui ordonne la confusion par sa seule intrusion, le seul fait de se poser sur les choses: TabouLe Fleuve, Voyage en ItalieLa Rivière rouge, Fenêtre sur cour, autant de films où la mise en scène n’intervient que pour ordonner un cosmos et, par la description, le cerner avec la plus savante logique; autant de films où la contemplation retrouve les secrets perdus dans le feu de l’action. Il faut, suivant les conseils de Goethe, commencer – et finir – par l’art de la des- cription, apprendre à montrer toutes choses, et les plus humbles, "comme jamais encore vues".»

C’est ce que j’ai essayé de faire dans ce film, avec les moyens dont je disposais. Connecter plusieurs récits (sur l’exploitation, la mort, les images), plusieurs genres (road-movie, comédie, film de montage, documentaire), plusieurs types d’humour (du plus simple au plus raffiné) et plusieurs stra- tégies au niveau de l’esthétique, que le public appréciera ou détestera, voire les deux."