LES HERBES SÈCHES
Samet enseigne dans un village perdu en Anatolie, mais espère être muté à Istanbul. Alors qu’il se retrouve en mauvaise posture à la suite d’une plainte, il rencontre Nuray, une jeune professeure engagée. Dans Les Herbes sèches, pour lequel l’actrice Merve Dizdar a reçu le Prix d’interprétation à Cannes, Nuri Bilge Ceylan sonde les tréfonds de l’humanité grâce à sa mise en scène sertie de génie.
Devenu prof de dessin, Samet est affecté dans un village de l’Est de la Turquie. Il aurait préféré devenir artiste et poursuit son propre travail en photographiant les gens. Tandis qu’il espère sa mutation à Istanbul, où il pourrait jouir de plus de reconnaissance, le voici confronté à de graves accusations, qui visent aussi Kenan, son collègue, colocataire et ami. Tous deux font alors la connaissance de Nuray, une enseignante et ancienne activiste qui ne les laisse pas indifférents.
Suivant l’arrivée de Samet dans une petite école plantée dans la neige, Nuri Bilge Ceylan déploie son récit à travers les échanges de son personnage avec son entourage, où il sème des bribes d’ambiguïté parmi les dialogues. Ponctuant son film de portraits photographiques à la fois superbes et déchirants, le cinéaste décrit par la bande les inégalités de classes et l’hypocrisie de l’intelligentsia que représentent le corps enseignant et les fonctionnaires. À l’école, chacun·e ne cherche qu’à se protéger de l’Autre et d’une institution sans doute corrompue, ce qui dévoile un individualisme forcené. Dans un second mouvement, l’intrigue se resserre sur la sidérante Nuray: sa solidarité et son engagement s’opposent à l’attitude supérieure de Samet, qui se considère pourtant comme progressiste et bienveillant. En le faisant évoluer vers un certain pessimisme au gré d’une mise en scène d’une fluidité hors normes, Ceylan en tire un personnage tchékhovien, dont on éprouve la vacuité face à l’immensité sublime des paysages et des forces féminines qui l’entourent. Du grand art!